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Drôle d’ambiance

Alors voilà. Ça y est. On y était. En pleine crise, je veux dire. Avec les deux pinglots dedans. Jusqu’au cou d’après. Tout à cause des milliards de jaunes qui nous coupaient les robinets. Puis, aussi, des coups de pruneaux que les cow-boys à la manque de l’autre côté de l’Atlantique prévoyaient de balancer pour le plaisir de nous faire danser la gigue sous le feu de leurs pétards. Bref, on était cernés entre deux fesses quoi.

Et, ça n’allait pas chier droit…


Allons, bon. C’était la grosse crise pour de vrai de celle dont tu ne perçois pas le bout de la nuit et qui fait peur à l’ouvrier quand il va se plumer parce qu’il se demande à quelle sauce la direction va le manger. Je ne te raconte pas la drôle d’ambiance. Si?

C’est d’accord. Parti pour parti…


Quand même, c’était du genre grave, cet ébranlement. Au point, par exemple, d’être chiant à ne plus pouvoir jeter l’argent par les fenêtres comme s’en était l’habitude. Seulement, ne rigole pas. C’était un très sérieux dilemme. Je veux te faire comprendre par là ce qui se passe lorsque la direction décide de fermer les battants. Car, nous, sur nos bouzines productives à voile et à vapeur, sans courant d’air aucun, toutes celles qui turbinaient grâce au sens du vent, c’était devenu comme qui dirait impossible de les gonfler. 

Puis, par la faute de cette orientation contraire du business en Chine, Outre-Atlantique et tutti quanti, même avec tout le souffle de tout le monde réuni, nous, le millier à peine, face à des billions de bridés, on courrait à notre perte. 


M’enfin, dans ce contexte qui s’essoufflait, je ne sais pas toi, mais, moi, la direction, avec cette manie qu’elle avait de tout catapulter par les vanternes, je m’en méfiais comme de ces cracheurs de feu qui n’ont plus rien à cramer parce qu’ils ont bu toutes leurs gnoles et qui s’en vont te jouer un air de diabolo ou de bâton du diable à la place. 

Car, face à de pareils flambards sans plus du tout de flouze à liquider, qui sait s’ils n’y jugeraient pas bon de nous y bazarder par la lucarne en guise… Comme ça… Par contumace… 


Puis, non. Ça ne s’était pas produit de suite parce qu’avant de nous envoyer dinguer, la direction, des solutions, elle en avait eu un taquet à nous faire essayer telle que celle de nous cuisiner un peu à différents bouillons, tantôt à l’oignon, tant l’autre à la farce. C’est-à-dire que ça pouvait tout aussi bien consister à nous rouler dans la farine qu’à nous pétrir les roustons. De l’ordre, admettons, de travailler plus pour gagner moins ou un truc dans le style. Mais ça, ça durait du temps que les dirluches pouvaient toujours se promener en grosse conduite intérieure de concession et se payer de belles montures sans concession. 

Sinon, en circonstance inverse, la direction, elle finissait par ne plus du tout s’emmerder avec les sauces…


Ainsi, la conjoncture plutôt à la baisse qu’à la hausse et, comme je te l’expliquais vis-à-vis de ces inconforts nocturnes qui touchent le prolétaire à la merci du sort que son patron lui réserve, nous, on en était là, donc. À plus trop savoir dans quelle marmite on allait nous bouillir tout en sachant que quelque chose se mijotait. 

Et, crois-moi ou non, ça sentait mieux la soupe à la grimace que celle à l’oseille. 


Alors voilà quoi. Ça y est. C’était devenu cette espèce de drôle d’ambiance qui pue le remugle à l’image de quand tu te retrouves pris entre deux fesses et que tu ne sais pas à quelle recette on va te farcir. À cela, rajoutes-y une grosse pincée de manque de sommeil dû au fait de ne plus pouvoir pieuté que sur une seule oreille. 

Et, à la fin, tu l’obtiens… L’épuisement de toute une filière ouvrière…


Mais, à notre petit niveau à nous, que veux-tu y faire? Hein? Sinon, enfiler des perles en priant le Bon Dieu qu’il fasse un peu mieux jour demain qu’hier?...


Drôle d’ambiance

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France
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