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Le Viagra me monte à la tête

— Dis-donc, Maggie, tu m’as l’air en pleine forme, ce matin. Les vacances t’ont fait du bien. Je ne t’avais jamais entendue chanter au travail.

— Ce n’était pas vraiment des vacances, Theresa, j’ai passé une semaine à la maison, pour le nouveau traitement de George. Tu sais bien qu’il participait, le mois dernier, à une étude à la clinique.

— Ah oui, c’est vrai! Y a du nouveau alors pour ce pauvre homme?

— Ils ont trouvé un produit miracle contre l’Alzheimer, tu ne vas pas me croire.

— Ah bon? Et, c’est quoi?

— Ils lui ont prescrit du viagra.

— Du viagra? Sérieux?

— Oui, c’est dingue! Il paraît que ça réduirait les symptômes de la maladie pour les cas moins sévères comme lui.

— Je ne veux pas dire, Maggie, mais il ne s’est jamais vraiment beaucoup servi de sa tête, ton George, depuis que je le connais. Si au moins la maladie pouvait au moins lui faire oublier d’être con.

— Ne commence pas avec tes médisances, Theresa, l’affaire est sérieuse, là. Tu sais qu’il me reconnaît à peine. Parfois, il m’appelle madame.

— C’est déjà mieux que de t’ignorer, comme le jour où on l’a surpris au Jubilee Market avec Cindy.

— C’est de l’histoire ancienne. Et puis elle n’arrêtait pas de lui tourner autour. 

— Mais dis-donc, ce viagra, c’est exactement le même que pour…?

— Han! mais carrément! Je n’imaginais pas…

— Ah! je comprends mieux, alors. Tu as bénéficié des effets secondaires, c’est ça?

— Oh! si tu savais… J’ai un peu honte.

— Racooonte! 

— Tu connais, George. Déjà après le mariage, il n’avait plus trop la tête à ça.

— Ça dépend avec qui.

— Oh! Tu ne vas pas recommencer avec Cindy.

— D’accord! Il n’a jamais été un bon coup de toute façon.

— Mais, comment peux-tu te permettre de penser ça?

— Oh! hum… tu sais comme elle parle beaucoup, Cindy. Mais revenons à ton traitement. Il t’a fait quoi à toi?

— Figure-toi, qu’il doit prendre une pilule, chaque jour. Et comme il n’a plus toute sa tête, c’est moi qui la lui administre, tu penses bien.

— Oui, j’imagine.

— Le premier jour, je n’en revenais pas comme il était, heu… enfin, tu vois ce que je veux dire.

— En érection.

— Oui, c’était énorme, j’avais oublié.

— Oui, j’imagine.

—Theresa!

— Pardon, excuse-moi. Et après?

— Bah rien.

— Rien… tu veux dire rien?

— Le premier jour, je n’y ai pas prêté attention, mais le lendemain, ça me travaillait un peu, tu vois. Je me disais, c’est dommage. D’autant que son autre traitement le fatigue beaucoup et il passe le plus clair de son temps au lit.

— C’est déjà un bon début.

— À dormir!

— Et alors, qu’est-ce que tu as fait?

— Bah, figure-toi que même quand il dort…

— Non!

— Si! 

— T’as pas fait ça?

— Il n’a rien senti, je t’assure. Enfin, au début. Son sommeil était tellement profond que je me suis cru sur le tarmac d’Heathrow.

— Et?

— C’est quand j’ai commencé à décoller qu’il s’est réveillé. Et là!

— Là, quoi?

— Lààà!

— Mais racooonte!

— Il s’est senti tout à coup excité et c’était reparti pour un tour. Je crois que je n’ai jamais atteint l’orgasme à ce point.

— Enfin, tu le reconnais. J’ai toujours pensé qu’il valait mieux faire l’amour avec un mort qu’avec ton George.

— Mais, ce n’était pas fini. 

— Ah bon? Ce traitement, c’est un vol long-courrier pour le septième ciel, ma parole!

— Le temps que j’aille nous chercher du thé, un quart d’heure plus tard, il avait déjà oublié.

— Non!

— Si. Quand il m’a vue nue sous ma robe de chambre, il m’a renversée sur le lit. J’ai à peine eu le temps de poser le plateau avec le thé sur la table de chevet.

— Dingue! et tu t’es laissé faire?

— Je n’étais pas contre, ça faisait tellement longtemps.

— Je comprends. Eh ben, ma cocotte. Deux fois dans la journée!

— Quatre. Et cinq les autres jours. Ce matin, je travaillais, alors j’ai préféré différer la prise de pilule à ce soir. Vu qu’elle ne l’empêche pas de dormir.

— Cinq? C’est monstrueux. Tu risques de passer une nuit blanche, ma pauvre fille.

— J’ai plus l’âge de ces folies, tu as raison, Theresa. Il se peut que demain matin, je déchante, des cernes sous les yeux.

— Mais sinon, tu as noté une amélioration de son état mental, en une semaine? 

— Pas vraiment. Si ce n’est qu’il ne m’appelle plus “madame”, mais “mon petit chat” ou “ma geisha”, ça varie selon les positions.

— Et les médecins, ils en pensent quoi?

— C’est trop tôt pour se prononcer, il leur faut des tests supplémentaires, sur plusieurs semaines, peut-être des mois.

— La chance! Même si je ne vois pas comment ça peut les aider à recouvrer leur tête, aux malades d’Alzheimer. Pour ceux qui pensent avec leur queue peut-être, ahah!

— Ça concerne déjà pas mal de bonhommes, ahah! 

— En tout cas, toi, Maggie, tu sembles avoir retrouvé une seconde jeunesse.

— Oh! Theresa, si tu savais comme j’ai peur que ce traitement me fasse perdre la tête.

Le Viagra me monte à la tête

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