Et si on soufflait une bonne fois?
“Un jeune parent sur cinq en détresse. Charge mentale, manque de sommeil, la parentalité use jusqu’à l’épuisement.” La manchette du Soir du 17 avril, rapportant le dernier baromètre Partenamut, n’est que l’ultime épisode de cet état de fait qui s’impose de plus en plus dans la société européenne: nous sommes à bout de souffle. Et les chiffres inquiétants des indicateurs montent avec la même constance que les chiffres de vente des livres des “coachs de vie”, gourous du développement personnel et autres spécialistes de la gestion des émotions, du mental, du physique, voire de la spiritualité ou de la sexualité.
La charge mentale, voilà le nouveau mal du siècle qui est en train de surpasser le mal de dos — ou parfois de l’accompagner, d’ailleurs…
Dans l’article du Soir, Amina Ndma, qui a lancé le premier incubateur belge pour mamans solos entrepreneures, résumé bien le problème: “C’est comme si être fatiguée, douter de soi ou se plaindre était un signe d’échec”.
Les raisons de cette énorme fatigue collective sont évidemment multiples et méritent des syllabus entiers pour imaginer une réponse et une thérapie efficaces, mais il est clair que les cultures de la performance ou de l’excellence dans lesquelles nous baignons toutes et tous est un facteur essentiel. Et explique sans doute une partie de ces burn-out qui ont explosé avec le covid. Nous sentons tous le besoin, l’envie, le devoir d’être un bon parent, un bon conjoint, un bon voisin, un bon employé, un bon citoyen. Quitte, parfois, à sombrer dans les couloirs sans fin de cette excellence à tout prix.
Avec, en outre — et c’est un journaliste qui l’écrit — une angoisse supplémentaire qui naît du sentiment, en consultant les infos, que tout va mal et que c’était “mieux avant”. Guerres existantes ou crainte de nouvelles guerres, conflits politiques, faits divers, polémiques à n’en plus finir, crises économiques et financières, n’en jetez plus, la coupe est pleine pour beaucoup, qui ont décidé de débrancher les infos pour se protéger de cette angoisse qui monte.
Cette angoisse est parfois fondée plus sur des sentiments que sur des faits — tout n’était pas mieux “avant”, loin de là —, mais cette angoisse est une réalité, que le pouvoir public doit regarder en face. À la fois au niveau personnel — demandez aux spécialistes de la santé mentale en Belgique où en est le secteur — mais aussi au niveau collectif. Car cet épuisement personnel peut se transformer en épuisement citoyen, puis en épuisement démocratique. Comme si un pouvoir fort, un homme ou une femme providentielle allait sauver la planète d’un coup de baguette magique. C’est pourtant la petite musique qui monte dans la plupart des sondages partout sur le continent.
C’est sans doute le défi le plus important de l’époque: maintenir la cohésion sociale, résister aux sirènes populistes, “refaire société”.
Le tout pour gérer un autre épuisement qui passe de plus en plus sous le radar ces derniers mois: l’épuisement de la planète et des ressources. Comme si ne plus en parler allait améliorer les choses.
Et si on soufflait toutes et tous un bon coup, avant de remonter sur le vélo pour pédaler tous ensemble? Comment retrouver ce souffle? Par la culture? Voilà une idée qui devrait faire débat…
