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Les riches heures de l'Avouerie

“Ne réponds pas lorsque tu es en colère, ne promets pas lorsque tu es joyeux, ne décide pas lorsque tu es triste”. 

Anonyme.


Chant 1: Eva ou le Paradis Perdu

Je marche dans ma tête, en avant, en arrière, ma fille me manque et j’ai grillé mon père.

Tout s’était merveilleusement déroulé, l’amour, la puissance et la gloire,

Ma fille me manque et j’ai grillé mon père.

Lui, l’homme qui m’aimait, j’ai un épouvantable doute.

Je marche dans ma tête, en avant, en arrière, ma fille me manque et j’ai grillé mon père.


Chant 2: Roberta ou le Caprice des Dieux

La maison brûle et mes nuits n’en finissent pas de raccourcir, je prends des mesures, je tente de rendre les baies vitrées de mon Empire Démocratique de plus en plus transparentes.

Je roule vers Anthines, avant la nuit. Hier encore, j’étais sous le soleil froid de décembre à Malte.

Il ne s’agit plus de tergiverser, il faut faire le ménage.

Ma boîte est vérolée, ma boîte de sept mille sbires, ma boîte de Pandore, ma boîte à Europe, est défoncée.


Chant 3: Crimes & Délices

J’aurais dû décliner certaines invitations, ma femme me reproche mes Afters, mes cuites mémorables après les matchs de l’Inter place du Luxembourg, c’est dur.

Il ne faisait pas bon décliner certaines invitations, j’y ai cédé en bon camarade, j’ai cédé, j’ai cédé, à ce faux ami Lombard.

Il m’est difficile de décrire en détail, précisément, l’état des comptes de ma commune, tout y est confus, brouillé depuis le moyen-âge, et l’on voudrait dans ce nouveau monde sans pitié que je scannasse tout document, que je notasse chaque avis afin de pouvoir identifier, mettre en exergue depuis la plus simple apostille au plus grand caractère, l’histoire des brigandages de mon église à l’orée du grand changement climatique qui s’annonce?

Je marche à l’affectif, ces gens m’ont certifié que le Qatar, tout comme nous, faisait des efforts considérables pour faire évoluer les droits humains, je suis quelqu’un de positif, Messieurs, on peut compter sur moi pour être un peu flexible. Je suis jeté en pâture aux chiens, mon nom modeste et travailleur est partout, ma famille éprouvée longe les haies de ma petite commune rurale.

Oui, Messieurs, j’ai fait de considérables efforts pour trouver des financements pour mon école primaire, mes handicapés prioritaires, les jeunes qui veulent un terrain pour pousser la balle, les grand-mères qui refusent d’encore tricoter paisiblement sur un banc et manifestent désormais de toutes leurs dents leurs envies de mobilité, de shopping et de confort.

Oui, Messieurs, je suis issu de rien et je transporte mon corps vaste et ondulant comme une pieuvre, de Strasbourg à Bruxelles, j’ai pratiquement contourné tous les obstacles et méritais une paix satisfaisante chez moi, enceint dans ma belle province, à rêver face aux collines condruziennes.

Lâchant enfin les dernières vieilles malles remplies de souvenirs du PS d’Antan.

J’ai effacé les contours des fraudes liégeoises, caché le mannequin de cire d’André Cools à l’arrière de la salle de fête villageoise que je préside, ouvert un petit musée pour mettre en valeur l’orge et les variétés infinies de péket.

Oui, Messieurs, je rode comme un ours chez moi avec ce bracelet inique qui bipe chaque fois que, par réflexe, je mets l’orteil sur le gravier devant mon domicile.

Je voudrais dire toute l’importance que prend la lecture chez un condamné au silence, par quel truchement extraordinaire, les mots ont pris le pas sur mon emploi du temps, de sorte qu’ils me reviennent en écho, habitant les murs qui m’hébergent, prison, parloir, salles vides…

J’ai cédé pour mon malheur à une eurodéputée qui se déclarait contre la disparition du cash, elle débordait de billets chez elle, à n’en plus finir…

Elle a prétendu venir comme moi d’un village blanc et bleu azur, baigné par la simplicité et l’authenticité de vieilles pierres… nous avions ce projet un peu fou de jumeler la petite entité voisine de Xhos avec l’île de Chios, grande martyre de l’Histoire!

Oui, Messieurs, j’ai échangé quelques choppes bien innocentes contre de la Liqueur de Mastiha Vantana, issue l’agriculture biologique de l’île de Chios.

Dans mon cachot froid, Saint-Gillois, je pleure sur ma naïveté, je me tais, je me tais, je me tais, jamais je n’ai lu un règlement interne avec autant de conscience professionnelle.

J’entends parfois d’ici les échos de matchs de l’Union, c’est dur, je vous le dis, c’est dur d’être privé de ces belles émotions, ces embrassades viriles, la joie tragique des supporters, la nuée bariolée des calicots.


Chant 4: Mélancolie enfantine

Mon cœur valdingue papa

Ton baluchon s’est posé

Profond, dément dans mon cœur

Profondément dans les fleurs

Mon cœur valdingue papa

J’aurais tant voulu

Que ton regard se pose

Sur mon enfance blonde

Sur mes révoltes et sur mes rires

Sur mes futilités de fille

Mon cœur valdingue papa

Ton baluchon s’est posé

Profond, dément dans mon cœur

Profondément dans les fleurs

Mon cœur valdingue papa

J’ai perdu ma vie à te chercher

Je n’ai rien trouvé, je n’ai rien trouvé

Je me suis troublée, je me suis nouée

Je regarde fixement au loin

Dans le tremblement des feuilles

Dans la procession des nuages

Dans la profondeur des ciels

Mon cœur valdingue papa

Mon cœur valdingue

Lentement mon cœur s’effiloche…



On me voyait comme un dribbleur d’enfer

Un second couteau

J’alignais avec élégance les relances de balle

Un souffle d’air frais

Un jeu punchy

Le sourire m’était naturel

Un souffle d’air frais

On me voyait comme un dribbleur d’enfer

Un second couteau

J’alignais avec élégance les relances de balle

Un jeu punchy

Je ne suis plus

Un jour mauvais

Le stade m’est tombé sur la tête

Le sourire m’était naturel

J’alignais avec élégance les relances de balle

Un souffle énorme, maléfique

Un hors-jeu

Depuis les entrailles d’en bas

J’erre, je me dissous

Oh, Christian que sont tes exploits devenus?

Ils me voyaient comme un exemple

J’étais l’homme atomique

Le cœur d’or

Un second couteau

Que sont mes orphelins devenus?

Leur sourire m’était naturel

Un souffle d’air frais


Chant 6: Michel Claise et les quarante voleurs

Il est à peu près certain que j’ai pu me tromper dans l’ensemble

Mais c’est à eux de me le prouver en particulier.

Ma position est révisable, pourtant j’ai du nez.

Cette histoire est invraisemblable et pourtant malgré mon expérience je n’ai rien vu de pareil dans toute ma carrière.

On me dit que je suis intransigeant, que mon enquête explose des familles entières, ébranle la confiance dans les institutions, que sais-je encore?

Pour me faire ma petite idée, je suis arrivé à Anthines sur le coup de midi, espérant passer un peu mes nerfs en marchant dans la campagne.

Depuis que j’ai pris Francisco Giorgi en filature, on a bien retrouvé une valise à roulettes noires et un tas de billets d’origine inconnue dans un sac Carrefour. J’avoue avoir un peu joui en novembre en découvrant le pot aux roses rue de la Tulipe.

C’est un endroit que je connais bien, j’ai mes habitudes au Sounds Jazz Club au 28 de cette rue.

Je ne regrette pas d’avoir soulevé le tapis, et fait circuler les mouches, quoiqu’on en pense au Caprice des Dieux.

En voyant la tête du père Kaïli les guibolles en dedans dans sa chambre du Sofitel à faire l’étonné du contenu en liquide de la valise, j’ai eu la sensation d’enfin toucher au but.

J’ai tout précipité, en finesse, coincer un parlementaire wallon la main dans le sac c’est toujours une petite victoire, j’ai donc exigé la présence de Roberta avant 21 heures.

Je suis dans le village et question casse-croûte cela se complique, la boulangère n’a plus de baguettes, donc plus de sandwich, à 12 h 15 c’est un comble. Elle me répond goguenarde que son stock est épuisé, que le boulanger fait la sieste après ses fournées nocturnes.

Un pistolet m’aurait déjà bien convenu, mais elle m’en a coupé l’envie: “Je vous préviens, le pistolet est à 1 euro cinquante ici”.

Je me suis rabattu sur un lacquement aux cerises, lors de mes longues enquêtes sur Liège, j’en ai goûté plus qu’à mon tour, cela m’a sauvé de quelques déprimes.

La vie n’étant facile pour personne, j’ai tenté de déjeuner à la friterie à l’entrée du village. Une vraie crapulerie de burger grisâtre, flanqué de frites et l’indispensable brochette ardennaise à peine dégelée. Un coup dur pour mon régime que j’ai noyé dans la Chouffe.

J’ai bien eu envie de prendre le maquis et de faire la promenade des moulins autour d’Anthines, mais je craignais l’incident de dernière minute, il n’y a pas de réseau ici et la police fédérale étant ce qu’elle est, j’étais tendu.

Je me suis résigné à visiter la fameuse Avouerie et d’une certaine manière j’ai compris bien des choses.

Les murs anciens, nus sans crépi et l’importante charpente donnent une certaine noblesse au bâti, mais ce qui surprend c’est le nombre incroyable de bars et de pompes à bières de la cave au grenier.

Un monde voué à la beuverie, le Musée Boutique de la Bière et du Péquet y vend même des bières lithuaniennes, tout est fait pour nous convaincre de l’utilité de boire, convoquant Hildegarde von Bingen, les Mésopotamiens, les Romains, déclinés en panneaux didactiques affichés aux murs.

Pourtant, au hasard de l’escalier raide qui descend de l’impressionnant Grenier, j’ai découvert d’en haut, une vaste étendue réservée, remplie d’un désordre difficile à décrire, de vieux classeurs comptables, d’étagères bancales, de costumes de scène, de fleurs artificielles, de paravents chinois et de bouteilles vides.

On ne sait jamais si fouiller plus avant ne ferait pas avancer l’enquête sur l’assassinat d’André Cools ou nous révéler le fin mot de l’affaire Agusta ou quelque indice complémentaire sur Stéphane Moreau; ou, plus récentes, les vacances du Greffier du Parlement wallon…

Mais je m’égare, le présent est déjà suffisamment croustillant.

En repassant par la boutique, je me suis vu proposer une dégustation, j’ai longuement hésité, rester sobre ou me détendre sous un parasol.

J’ai craqué pour un péquet à la violette, curieux bonbon froid, assez traître.

La suite, la presse en est pleine, las.

À la fin de la perquisition, dans la nuit brouillardeuse de décembre, Roberta m’a fixé d’un air bionique, puis dans un soupir glacé a laissé glisser ces mots: “Tarabella, j’ai le sentiment que les cadeaux c’est lui qui les fait”…

L’impression, cette sensibilité de peintre émotif!

Personne ne pourra jamais élucider une affaire aussi complexe sur une impression.

Enfin, j’aimerais tout de même être compris dans ma démarche, je suis bien curieux que savoir où cette ONG “Fight Impunity”, inscrite nulle part au registre du Parlement européen trouve miraculeusement des fonds sans fin et paie des voyages d’études à la Mamounia…

J’en suis bien Al-Marri, assis sur un fameux bec de gaz.

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