Sous scellés
“Écoutez, il faut quand même le reconnaître, je connais peu de gens aussi efficaces que Donald Trump: 34 chefs d’inculpation, 34 fois reconnu coupable. Sur toute la ligne. Comme tir groupé, on ne fait pas mieux, aucune culpabilité ne manque à l’appel. Cela pose un homme, je trouve. Évidemment, du coup il a donné la preuve que c’est lui, en réalité, le tricheur”.
“Si j’ai des doutes sur la suite des événements? Aucun. Trump continuera à raconter n’importe quoi, je pense même que ce sera toujours plus délirant, il poursuivra son travail de sape destructeur en tempêtant contre tout ce qui n’est pas lui et contre tout ce qui prétend ne pas l’idolâtrer, c’est son œuvre, c’est son destin. Et il continuera à nous entraîner dans son œuvre, dans son destin, oui je crois vraiment que c’est notre lot”.
“C’est clair, il représente une vraie menace. S’il gagne en novembre et s’il arrive à la fin de son second mandat, il ne se retirera pas, comme ce devrait être la coutume. J’en viens même à douter qu’il autoriserait une élection qui serait destinée à élire quelqu’un qui lui succèderait. Ou alors, il se présenterait lui-même en 2028, histoire de saborder encore un peu plus les principes démocratiques, les règles et les simples traditions, et d’imposer ses pratiques partisanes.”
“Son parti est pieds et poings liés à ses errements, tant son emprise sur lui est gigantesque et étouffante. Personne ne peut grandir durablement, même loin de son ombre, ce qui est la définition même du prédateur”.
“Sans conteste, c’est un gangster. Mais je ne crois pas qu’il se soit égaré en politique — il n’a pas de scrupule dans l’usage des méthodes qui, dans son cas, sont absolument identiques. Les deux aspects se sont absolument confondus, fin mai, quand, pour se concilier les votes du parti libertarien (environ 3 % à chaque élection fédérale), il a mis sur le tapis le sort de Ross Ulbrich, condamné à la perpétuité pour avoir fondé et dirigé le site Silk Road, une plateforme de vente de drogue en ligne, accusé d’avoir vendu pour 200 millions de dollars de drogue dans le monde entier — ses partisans y voyant une atteinte aux principes de l’économie de marché et une réglementation excessive de la part du gouvernement fédéral. Et Trump de promettre bassement: ‘Si vous votez pour moi, dès le premier jour, je commuerai la peine de Ross Ulbrich’.”
“À n’en pas douter, s’il est élu, ce premier jour risque d’être très encombré”.
“J’ai trouvé que le tribunal qui l’a condamné à New York a fait preuve d’humour, naturellement tout à fait involontaire. Il est question, en guise de peine à lui infliger, d’un certain nombre d’heures de ‘travaux d’intérêt général’ qu’il aurait à prester. ‘Intérêt général’? Donald Trump? Quoi de plus incongru, quoi de plus antinomique — à part peut-être le fait que, depuis sa condamnation, il se présente comme un ‘prisonnier politique’”.
“En fin de compte, Trump, c’est le Dark web et ses gouffres malveillants à ciel ouvert”.
“L’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole à Washington sera forcément suivi d’autres tentatives du même genre, tant que le ‘système’ n’entendra pas déraison”.
“Dans tout autre pays, ce genre de personnage et le moindre de ses actes délictueux et de ses propos déments auraient été sanctionnés, plus personne ne l’écouterait et il aurait été éloigné à jamais de tout mandat public. Mais il fait partie de la psyché américaine, c’est un maverick, un individu agissant hors des structures: ce qui correspond à un type que ses compatriotes admirent, parce qu’il impose sans se gêner son absence de limites et de respect des normes”.
Toutes ces déclarations, strictement rapportées, ont été scrupuleusement enregistrées et confiées à des officiers de justice, juges, avocats et notaires, et leur contenu placé sous scellés, avec la mission de n’être jamais exhumées ni révélées, et expressément en cas de victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle du mardi 5 novembre 2024.
C’est que (et il n’est guère besoin d’insister sur cet aspect des choses) la liberté de parole et la protection de toute forme d’intimité seront elles aussi bafouées et injuriées, et livrées à la vindicte publique, comme déjà tout le reste.