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L’influence du vent

Alexine se souvint de ses efforts.

Le téléphone dans une main, elle creva, de l’autre, avec un tournevis qui trainait là, la peau plastique du sachet d’huile posé dans la casserole. On vendait de l’huile en sachet à Lomé depuis le début de la guerre. De petites quantités d’huile pour toutes les bourses, la seule manière que les commerçantes avaient trouvé pour faire baisser les prix élevés des bidons d’huile sur le marché.

Les prix grimpèrent vite, avant même qu’Alexine apprit à prononcer les noms Zelensky et Poutine, des gars dont elle ignorait jusqu’à l’existence, et qu’on disait désormais en guerre l’un contre l’autre. Du jour au lendemain, on prononça dans son quartier, à la télévision, partout, le nom Ukraine, et on y associa toutes les pénuries alimentaires sur le marché communal Assiyéyé, le marché de quartier où elle faisait régulièrement son approvisionnement. D’un étal à l’autre d’Assiyéyé, les prix varièrent sans avertissement, et quand elle se plaignit, on lui rétorqua simplement, ah ma sœur, c’est la guerre !

— Maman Caviar, tu vends le bol de haricot à ce prix-là ?

— Ce n’est pas moi, ma fille, c’est la guerre, les produits n’arrivent plus.

— Mais Mama, le haricot aussi c’est Zelensky ?

— Oui, c’est lui, c’est lui qui fait tout ça, il envoie des produits chers au Port de Lomé !

L’huile se répandit dans la casserole, elle jeta le sachet vide à travers la fenêtre, il atterrit sur la dalle du puisard avec un bruit qui la surprit, un bruit mat qui mit ses sens en alerte. Elle sortit sous la pergola en face de la cuisine, ramassa le sachet et revint dans la cuisine. Il restait un peu d’huile, accumulé dans un repli du sachet, elle pressa méthodiquement le plastique et fit couler le précieux sésame jusqu’à épuisement.

— Oui, allo, mon fils, tu es là ?

Alexine croyait l’appel abouti. Votre correspondant n’est pas en ligne ou quelque chose du genre, disait l’enregistrement automatique. Elle raccrocha et tourna le bouton de la gazinière. Il y eut un sifflement, elle craqua l’allumette mais le butane ne prit pas feu. Elle changea d’allumette, le foyer refusa de s’allumer. Elle regarda la bouteille de gaz, soupira, et reprenant le téléphone, composa une deuxième fois le numéro de son fils.


*


La dernière permission de Virgile remontait à la mort de son père. Une mort subite et regrettable à tout point de vue. Mars 2020, Alexine s’en souvient, le père de Virgile était rentré de son travail avec une toux persistante. Le matin, en quittant tôt la maison, il ne toussait pas. Elle l’avait accompagné ce matin-là jusqu’au portail, avait accroché à sa moto le sac contenant son repas de midi, un excellent riz au gras de sa propre cuisine, concocté avec de petits poissons séchés qui ne coûtaient pas un bras à l’époque. Puis, chacun avait secoué la main pour dire à l’autre au-revoir-bonne-journée-Dieu-te-garde-et-te-ramène-sain-et-sauf, et elle était retournée à la maison, avait rangé le linge, un peu nettoyé les toilettes puis regardé deux ou trois épisodes de la série brésilienne Estrella à la télévision togolaise. Il faisait chaud, extrêmement chaud, elle était debout dans la cour et relevait le linge quand elle l’aperçut en train de pousser la moto dans la maison. Il rentrait plus tôt que d’habitude, et n’avait pas touché à son repas.

— Tu as quoi, chéri ?

Elle l’appelait toujours chéri, lui jamais. Comme la plupart des hommes de cette ville, il laissait sa femme le flatter avec de petits surnoms, cela renforçait son orgueil, et lui faisait oublier qu’ils étaient en location dans la maison où ils vivaient, une maison saugrenue, si petite que même le vent avait de la peine à s’y faufiler.

— Je ne sais pas, ma femme, vraiment je ne sais pas. C’est arrivé d’un coup d’un seul.

— Quand ?

— Je tousse depuis midi. On a fait une réunion à 11 h avec les ingénieurs arrivés de Chine, puis la toux a commencé. Tu as encore ton mauvais café-là ?

— Tu as dit que tu n’aimais pas, chéri !

— Je sais, il est tellement mauvais qu’il ne peut soigner que le mal.

Virgile avait ramené de Côte-d’Ivoire du café pour son père (Papa Virgile pense qu’une des maîtresses de son fils lui en avait fait cadeau, et Virgile s’en débarrassait), mais la chose une fois infusée avait un goût exécrable (Papa Virgile avait préféré dire exécrable pour rester poli). Un entrepreneur filou avait mélangé de la petite kola à du café Robusta, l’avait emballé joliment comme on sait faire chez Anaïs Concept, la société d’emballage en question de l’amoureuse de Virgile, et l’avait mis en vente dans des sachets à infuser. C’était pratique, joli mais imbuvable, ce @Koofy.

Une heure plus tard, il fit chaud à couper le souffle dans la maison. Le dernier filet de vent traînaillant dans le salon se retira et l’air manqua cruellement au mari effondré, le front posé sur les genoux de sa femme. Elle entendit son homme lui dire faiblement, emmène-moi à l’hôpital !

Ce n’était pas la porte à côté, l’hôpital. Le plus proche, façon de calculer en imaginant la distance, était le Centre Hospitalier Universitaire. Quinze kilomètres à faire, en véhicule bien sûr, depuis les rizières de Djagblé jusqu’à l’université aux portes de Lomé. Autrefois, pensa-t-elle en tentant de le soulever du canapé, elle avait une voiture, plus précisément elle avait eu une voiture. Il y a une éternité qu’elle n’avait plus pensé à cette caisse, elle l’avait gagnée en participant au Concours Miss Togo. Une belle période de sa vie de jeune femme. Un concours des plus aléatoires, auquel l’avait inscrite, à son insu, Bénédicte, une de ses amies qui la surnommait depuis le lycée, « Alexine, capitale de la beauté ». Son père et sa mère, des Témoins de Jéhovah rigoristes, l’avaient reniée pour sa participation à la manifestation du Diable. Vers minuit, ce jour de finale, assis devant l’écran de la télé, ils avaient assisté à son sacre inattendu, diaboliquement inattendu, et avaient entendu de leurs oreilles le présentateur vedette annoncer les prix, et aperçu comme tous les spectateurs du pays la Corolla rouge que le Comité Miss Togo avait fait venir sur la scène, et au volant de laquelle Alexine, habillée en princesse repêchée du ghetto, était repartie souriant et pleurant à la fois comme une petite fille sous l’effet de puissantes drogues. Puis elle connut son mari, puis l’histoire de cette voiture sombra dans les limbes de la vie conjugale, entre dettes et ce qui vient à manquer, entre peines et joies, et parmi l’une de ces joies elle plaçait volontiers la naissance de leur fils Virgile.

La réalité la ramena à sa condition d’infirmière improvisée. Elle prit son portable et commanda sur l’application @Gozem un taxi. Le chauffeur arriva au bout de cinq minutes grâce au GPS, et les trouva assis sur un tronc d’arbre déraciné au bord de la route qui passait devant la maison. Il roula vite et bien, atteignit la voie rapide du contournement de Lomé en moins de dix minutes, fila droit vers le Club de Golf de Lomé, et descendit le boulevard Gnassingbé Eyadema, feux de détresse allumés et klaxon au vent, façon ambulance de pauvre sortie d’un film nigérian. Dans la vie réelle, les miracles dépendent rarement de la foi et du dévouement des hommes. Son mari rendit l’âme au moment où, avec l’aide du chauffeur, elle voulut le sortir du taxi. Les aides-soignants venus nonchalamment l’aider repartirent à leur tâche fictive en rigolant. Elle ne comprit pas pourquoi on pouvait rire dans une situation de ce type. Elle supplia le chauffeur qui voulait qu’on sorte le cadavre de sa voiture, de l’aider à déposer le corps à la morgue, il réclama d’elle une somme astronomique, elle supplia encore et encore, finit par l’attendrir, et il accepta de l’aider à rejoindre la morgue de l’hôpital Sylvanus Olympio pour dix mille francs CFA.

À la mort de son père, Virgile était déjà un homme. Il était soldat. Jeune soldat mais soldat tout de même. Il avait réussi le concours de la gendarmerie et rejoint l’armée à ses vingt ans. Depuis l’esplanade de la morgue, sa mère l’informa par WhatsApp, un audio larmoyant à fendre le cœur d’un requin. Il rappela sa mère depuis Kati au Mali, un pays où il participait à une opération de maintien de la paix pour le compte des Nations-Unies. Il demanda si son père était mort de Covid ou un truc dans ce genre, un nom avec un chiffre entre 18 et 20 ; elle ne sut quoi répondre. Personne n’avait posé de diagnostic au Centre hospitalier universitaire, et elle ignorait tout de ce mal dont son fils lui parlait pour la première fois. Quelques jours plus tard, on annonça à la télévision l’arrivée d’une nouvelle épidémie et l’imposition d’un état de veille sanitaire. Comme on décompte les résultats des matchs de première division, le pays se mit à décompter les morts tous les soirs au Journal Télévisé.


*


Alexine se souvint de ses efforts. À tenter d’élever ce fils qui grandissait trop vite et avait tendance à lui tenir tête, comme s’il lui en voulait d’avoir laissé l’âme de son père s’échapper de ce taxi fantôme qui le conduisit à la mort. Entre sa boutique de prêt-à-porter et les livraisons de repas, elle trouva le temps de l’accompagner régulièrement aux séances de football militaire. Tous les samedis, l’armée organisait sur le terrain de son centre de formation des séances de football entre civils et militaires. Sans qu’elle sût pourquoi, Virgile aimait cette compagnie-là, ces bousculades viriles où fraternisaient deux mondes qui, dans la vie de tous les jours, se tournaient le dos. De fil en aiguille, il finit par choisir son camp. Elle paniqua le jour où il annonça son intention de passer le concours des armées. Mon fils, militaire, hurla-t-elle en son for intérieur, ils vont me l’enfermer un jour pour tentative de coup d’État. C’est inévitable. Elle entendait les gens parler, que l’armée contrôle le pays, et que les militaires africains ne savent faire qu’une chose, renverser les gouvernements et mettre à la tête des États des officiers voyous ! Virgile expliqua à sa mère qu’il préférait la vie de la caserne, sa discipline, à l’inertie morbide de la vie civile. Que l’armée était sa vocation, sa passion, et que la passion, c’est ce qui donne sens à une jeunesse. Elle n’avait rien d’autre à lui proposer, elle se plia à ses désirs.


*


Elle rappela plusieurs fois le numéro de Virgile, insista, et vint à douter des chiffres pris séparément, alors elle les recomposa manuellement, sans utiliser les séquences déjà enregistrées dans le répertoire de l’appareil. Le numéro de votre correspondant est momentanément éteint ou hors de la zone de couverture. Quelle plaie, la messagerie électronique ! La ville de Kara où Virgile était en casernement n’est quand même pas hors de la zone de couverture de Togocom, la compagnie nationale qui gère la téléphonie mobile et fixe. Kara, c’est en Ukraine peut-être !? Elle lâcha un juron et insulta Togocom, ses employés, son directeur, ses techniciens, incapable tous, tant qu’ils sont, de maintenir une liaison téléphonique stable entre Lomé et Kara ! Puis, avec les mots d’une mère, des mots choisis, pesés, elle laissa un court message à l’attention de son fils, sur le répondeur WhatsApp de celui-ci, s’il pouvait lui faire un transfert d’argent par T-Money, ce qu’il pouvait envoyer, juste le nécessaire pas plus, ce qu’il trouvait, car je le sais, fiston, la vie est de plus en plus chère, mais tu sais aussi, fiston, rien n’est plus certain dans les affaires de prêt-à-porter, et les dettes s’accumulent auprès des clients à qui je livre des repas sur leurs lieux de travail dans la semaine, ils mangent bien les repas ces malotrus mais ne payent pas, ou le font à compte-gouttes, c’est dur partout, fiston, si ça continue, il faudra vendre le pays et distribuer l’argent de la vente à ses habitants, j’espère que tout va bien au camp, Dieu te garde pour moi, et puis j’oubliais fiston, il faut que tu songes à te marier cette année et à me faire des petits-fils !

Dehors, dans le jardin, quelques fruits mûrs pendaient au goyavier, elle les croqua et n’eut plus faim. Elle alluma la télé, et l’éteignit quelques secondes après, elle n’avait pas renouvelé son abonnement chez Canal+. La chose l’énerva, voilà une autre bande de voleurs sortis nul ne sait d’où, maugréa-t-elle, des vendeurs d’illusion qui se croient propriétaires des désirs et des loisirs de leurs clients, et personne pour leur couper le signal !

Je dois me calmer, se dit-elle, heureusement qu’il y a TikTok, c’est con mais ça distrait ! Elle réactiva sur le téléphone son abonnement à la 4G et ouvrit l’application. Les jeunes s’y adonnaient à leurs jeux favoris, le buzz, les challenges de chants, de danses à la mode. Elle aimait ces choses stupides où l’on ne se prenait pas au sérieux. Elle aimait jusqu’aux vulgarités des coaches autoproclamées, qui enseignaient aux jeunes femmes comment garder leurs maris, comment transformer leur sexe en coffre-fort magique, elle trouvait les astuces enseignées risibles et dangereuses, mais bon, chaque génération a le droit de se brûler la cervelle, et de goûter au désenchantement, c’est la vie, c’est ainsi, il faut laisser faire les jeunes, qu’ils crèvent ils n’en mourront pas, ricanait la chose en elle ! Son pouce balaya vers le haut un post, elle tomba sur une publication qui la fit hurler de rire. Sans chercher à vérifier, elle sut que c’était faux. Le président Alassane Dramane Ouattara est décédé ce matin dans son domicile, annonçait la publication, qui concluait Paix à son âme. Elle aimait ces délires de gens frustrés, qui trouvaient là l’occasion de se venger à peu de frais des puissants, de leur régler leurs comptes symboliquement. Et puis il y avait ces vidéos sur lesquelles on indiquait « la fin me tue » pour inciter à les regarder jusqu’au bout, ou « ne zoomer pas » ; elle les zappait d’instinct, l’indication était signe de leur médiocrité. Le fil d’images était une bulle dans laquelle elle voyait défiler un monde qui paraissait tangible et intangible mêmement. Dans ce monde numérique, les jeunes filles et les jeunes hommes s’appelaient entre eux les hustlers, ils étaient les lutteuses et les combattants d’un monde qui avait ses codes. Des vieilles personnes comme elle y entraient, certes, mais il leur restait l’impression tenace que leur compréhension de cet univers était superficielle et ne tenait qu’au fait qu’elles avaient une connexion internet qui leur permettaient d’accéder à un écran et au contenu rarement censuré d’une application préinstallée sur un téléphone. Pas le temps matériel pour prendre du recul, analyser les informations prises dans un flux, un tourbillonnement aléatoires.

La vidéo suivante la laissa perplexe. Elle la visionna plus d’une fois, sans oser la faire basculer dans le trou noir du maelström digital. La vidéo n’avait, en soi, rien de particulier. Un groupe de plusieurs hommes s’acharnait sur un autre homme en tunique blanche. La scène, selon l’indication, se passait au marché. La vidéo était courte. On voyait l’homme en blanc poignarder un gendarme, et se baisser pour ramasser l’arme du soldat qui s’était affalé au sol. Puis, on entendait clairement le bruit de la culasse, l’agresseur avec un aplomb, une placidité impressionnante, tentait de réarmer le fusil qu’il avait ramassé. Elle vit les vendeuses du marché détaler et se disperser comme des perdrix quand l’homme les mit en joue. Un gendarme surgit dans le champ, sauta sur le dos de l’homme en blanc et le plaqua au sol. Le fusil valdingua. Violemment, l’agresseur se dégagea, sortit le poignard qui avait servi à blesser le premier gendarme, et fonça sur lui. Le groupe d’hommes, au même moment, se rua sur l’homme en blanc, et la vidéo prit fin par cette annonce intrigante : « Agression terroriste au grand-marché de Kara ».

Alexine arrêta la vidéo, et nota au crayon, sur la boite de Paracétamol vide, le nom du propriétaire du compte TikTok. Elle pourrait retrouver la vidéo ainsi, plus facilement, quand le flux d’images deviendrait trop important. Elle reprit son téléphone et composa le numéro de Virgile. Le gendarme au sol avait la même corpulence que son fils, elle en était certaine. Seulement, il gisait face contre terre, la tête enfoncée dans la poussière, et le gros plan ne faisait qu’accentuer la couleur de son treillis, pas les traits corporels qui facilitent une reconnaissance précise. Pourtant, son cœur de mère parla, son cœur battit la chamade comme autrefois quand l’enfant Virgile tombait malade. Alexine se souvint du corps de son fils, quand elle lui donnait des bains de siège. Elle mettrait sa main au feu que le soldat couché par terre n’était autre que Virgile, lequel était en casernement dans la ville de Kara.

Distraction fatale, sa main toucha l’écran par inadvertance et l’image disparut. Remplacée bientôt par une avalanche d’autres vidéos semblables. Les gens partageaient les « reels », la vidéo originale de trente secondes circulait partout sur le réseau, avec des détails contradictoires. Un gendarme tué par un terroriste tchadien. Un soldat déjoue un massacre au grand-marché. La foule lynche un terroriste. Puis, quelqu’un osa l’info : un gendarme togolais tué par un terroriste tchadien. Son sang reflua du cerveau vers son cœur qui sembla rompre sous le poids du liquide, et elle se souvint de la mort de son mari et cria : non, ça ne va pas recommencer !

Elle ne doutait pas de la vidéo, alors que, habituellement, elle se méfiait de ce qu’elle voyait. Fébrile, elle fit défiler les publications, et tomba sur le compte d’une dame qui faisait un direct depuis le marché de Kara. Les gens posaient des questions, commentaient, et la dame répondait. Les pompiers ont soigné le gendarme blessé sur place et embarqué le corps du gendarme poignardé, apprit-elle. Elle posa par écrit sa question : le gendarme emporté par les pompiers est-il vivant ? La dame répondit qu’elle n’en savait rien, mais que vu les photos de la victime qui circulaient, il y a peu de chance qu’il fût encore en vie. Elle demanda à la dame qui faisait le direct si elle avait lesdites photos, elle aussi. Vous en trouvez partout sur le réseau, répondit-elle. Alors, elle cessa d’écrire, et ses mains se mirent à trembler.

Elle coupa le Live de la dame @cocobeach228 et déconnecta la 4G, se retirant volontairement du réseau. Elle sortit dans la cour de la petite maison où elle vivait seule, se dirigea vers le portail et l’ouvrit. Dehors, la vie était là, les voisins continuaient de jeter indolemment leurs eaux usées sur la voie publique, les enfants jouaient à la marelle devant le moulin qui grinçait de ses meules mal aiguisées, et elle vit plusieurs femmes se diriger vers l’atelier de mécanique La Main de Dieu ; le garage avait été transformé en église par le patron, qui disait avoir reçu une révélation après avoir survécu au Covid-19. Elle songeait aux photos qui circulaient sur les réseaux sociaux, elle ne voulait pas les voir. Et si… ? se dit-elle. Elle composa une énième fois le numéro de son fils. Nul n’est à l’abri du miracle, voulut-elle se convaincre.

Alexine se souvint de ses efforts. Elle mit ses pas dans les pas de la foule, et se dirigea à son tour vers La Main de Dieu.

L’influence du vent

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Togo
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