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Séparation

Angano, angano, arira, arira, tsy izaho no mpandainga fa ny ntaolo.

« C’est juste une fable, une blague, ce n’est pas moi [le conteur] qui est un menteur mais les anciens ».

Ikotofetsy, le rusé et Imahaka, celui qui rend hagard.


*


Réveillé par des cris et des exclamations, Vêdālam faillit tomber de sa branche. Cela le mit de mauvaise humeur. Fatigué après son vagabondage, il dormait à poings fermés en attendant le soir pour reprendre ses activités nocturnes.

Aaiya gesticulait dans tous les sens, donnait des ordres et tempêtait contre tout le monde. Machinalement, elle cherchait du regard son mari sachant pertinemment qu’il ne lui serait pourtant d’aucune aide, et pour cause : cela faisait plus de vingt ans qu’ils ne s’adressaient plus la parole. Les mots s’étaient détachés de l`arbre mort de leur amour automnal depuis plusieurs saisons. Les hommes de la maison s’affairaient à décharger la voiture et entassaient de grosses valises dans la grande chambre, tandis que les femmes s’occupaient de la famille tout juste arrivée. Le couple avec leurs quatre enfants assaillis par les habitants du quartier et les amis ne savaient où donner de la tête. On se serrait la main et on embrassait joyeusement l’homme, pendant que la femme ne savait que faire avec ses enfants qui se cachaient derrière elle. Paulin, l’homme qui revenait chez lui après une longue absence, fit signe à l’une de ses sœurs de s’approcher et lui dit d’emmener son épouse et ses enfants à l’intérieur de la maison. Malgré une certaine joie de découvrir la famille de son époux, une tristesse profonde se lisait sur le visage de la jeune femme. Elle venait de quitter son pays, lui retrouvait le sien.

Dans tout ce brouhaha, personne ne fit attention aux deux compères Ikotofetsy et Imahaka qui sortirent discrètement d’une corbeille et montèrent sur l’arbre Moringa.


*


Vêdālam s’impatientait. Le temps lui paraissait long. Rien ne laissait penser que les histoires que racontait Aaiya allaient prendre fin. Afin d’impressionner sa belle-fille étrangère, Aaiya s’éternisait dans sa narration, conte après conte. Que Rasoazanany ne parlât pas la même langue et qu’elle ne comprît rien à ce qu’elle disait n’avait pas effleuré son esprit. Les jambes allongées et le mortier à ses côtés, la vieille femme était intarissable. Dans la nuit tombante, on entendait le son des clochettes des vaches qui remuaient la tête pour chasser les mouches. Touky, l’agneau fou, commençait son bellement quotidien. Il n’aimait pas la nuit. Plus que la nuit, c’est le Vêdālam qu’il appréhendait. Ce dernier l’importunait depuis sa naissance, car il adorait le Briyani d’agneau. Il guettait la moindre occasion pour la capturer et la donner à son amoureuse Mohini qui était une très bonne cuisinière. De plus, il avait promis depuis très longtemps à Munisvarane, sa divinité préférée, une offrande avec du Vindali d’agneau et du Saarayam. Et il savait que Munisvarane n’aimait pas attendre. Aaiya qui connaissait les manigances du Vêdālam gardait un œil vigilant sur lui.

— Deiy Andony !

La pierre partit vers les branches de l’arbre avant même qu’Aaiya ait terminé sa phrase. Andony, le jeune homme qui était le bouvier de la maison, exécrait le Vêdālam. Il ne comprenait pas qu’on puisse héberger ce maudit esprit malveillant sur cet arbre. Pour lui, le Vêdālam était l’esprit hostile des morts dont les descendants n’ont pas accompli les rites funéraires en leur mémoire. En conséquence, il est piégé dans la zone crépusculaire entre la vie et la mort ; une sorte de vampire qui hante les cimetières et réanime les morts. Il utilise et habite les cadavres comme véhicule pour ses déplacements, car ils ne se décomposent plus lorsqu’ils sont ainsi habités, bien que la nuit, le Vêdālam puisse également quitter le corps afin de se nourrir.

Pour échapper à la pierre, Vêdālam alla se réfugier tout en haut de l’arbre. Il faillit perdre l’équilibre et tomber de sa branche lorsqu’il fut accueilli par les deux nouveaux venus.

— Enn talaimela idi uzhai ! Qu’est-ce que… qui êtes-vous ? Que faites-vous sur mon arbre ?

Le Vêdālam ahuri en faillit perdre sa queue.

— Nous sommes Ikotofetsy et Imahaka, deux esprits de Madagascar.

— C’est quoi ça Mada… Makakascar ?

— Madagascar, c’est dans l’océan indien.


*


— C’est le même océan Rasoa. C’est l’océan indien.

— Oui Paulin, c’est le même océan, mais les vagues sont différentes.

Une larme coula sur l’oreiller.

Elle avait su, dès le moment où il lui avait déclaré son amour, qu’un jour ou l’autre elle quitterait son île adorée. Paulin avait l’habitude de venir chez elle pour acheter de la viande. Andry, le père de la jeune fille, était le meilleur boucher d’Antsirabe. En dehors des jours de marché, il tenait sa boucherie devant sa maison. Mais avant de devenir boucher, l’homme était un ancien de la 12e BTM, le Bataillon de Tirailleurs Malgaches. Engagé très jeune, Andry fut d’abord incorporé dans le 1er Bataillon de Tirailleurs Malgaches, avant de rejoindre la 3e compagnie du 12e BTM. À la fin de la guerre, il fut muté à Marseille dans le 73e Bataillon de Tirailleurs sénégalais ou « Bataillon de Dépôt des Indigènes des Camps de Fréjus ». Regroupant aussi bien des Sénégalais que des Malgaches, des Indochinois, des Somalis ou des Canaques, l’unité était chargée, dans le Midi, de la garde des camps d’instruction et d’hivernage pour les troupes coloniales. Atteint de tuberculose, Andry fut soigné à l’hôpital complémentaire n° 83 de la Rose-Malpasse dans le 13e arrondissement. Les moyens fournis pour le rapatriement des soldats malgaches étant insuffisants, aussi Andry passa-t-il des mois dans un camp de transit avant de rentrer chez lui. Cette expérience militaire lui laissa un goût amer. Il refusa les parcelles de terre offertes par l’administration coloniale pour, en fin de compte, devenir boucher et s’installer aux alentours de la gare.

Son cœur faillit s’arrêter lorsque sa fille avoua son amour pour le petit soldat karana.

— Pas de soldat dans la famille, avait-il dit avec véhémence. Et surtout pas un soldat karana, à la solde des Vazahas !


*


La soirée commença très mal. Confortablement installés en haut de l’arbre Moringa, les deux frères refusèrent de quitter leur nouveau refuge malgré les menaces et les supplices du Vêdālam. Ce dernier y avait vécu en paix pendant des siècles, depuis qu’il s’était débarrassé de ce maudit Vikramaditiya. Le prince voulait le capturer et le livrer à un sorcier qui ambitionnait de dominer l’univers. Or, le Vêdālam possédait le secret du temps ; il pouvait maîtriser le passé, le présent et le futur.

Loin d’avoir peur de cet énergumène, Ikotofetsy et Imahaka eurent pitié de lui. On pouvait le libérer de son existence fantomatique en accomplissant ses rites funéraires.

— Un bon Famadihana, c’est tout ce qu’il mérite… murmura Ikotofetsy.

— Quoi ? Qu’est-ce que c’est que ce truc ? s’affola Vêdālam qui avait l’oreille fine.

— Rien, répondit Imahaka. Un truc de chez nous.

Un silence gênant s’installa sur l’arbre. C’était au tour de Vêdālam de savoir ce qu’ils faisaient ici. Il trouva la présence des deux frères en Inde saugrenue, et pourtant…

— Nous sommes à la recherche de notre Dieu Zanahary ! dirent-ils en chœur.

— Et qu’est-ce que votre Dieu fait ici ?

­— C’est une longue et vieille histoire. Très vieille !

Imahaka était sur le point de la narrer, mais Vêdālam l’arrêta aussitôt dans son élan.

— Non ! non ! Concluons un marché. Je vous raconte une histoire où il vous faudra trouver une réponse. Et si vous ne la trouvez pas, vous devez quitter mon arbre, d’accord ?

Vêdālam ne pouvait pas savoir qu’Ikotofetsy et Imahaka étaient maîtres dans l’art de narrer des contes énigmatiques.

— D’accord ! Par contre, si nous trouvons la réponse, il faudra accepter notre proposition. Mais avant ça, il nous faut aller sur la côte Malabar.

« Il était une fois un blanchisseur nommé Dhavala… »

Installé confortablement sur le Kattumaram, le Vêdālam commença son récit. Il était une fois un blanchisseur nommé Dhavala. Un jour, il aperçut une très belle femme près de l’étang, qui était de la même caste.  Il tomba immédiatement amoureux d’elle et supplia ses parents de lui demander sa main. La fille Madanasundari, se maria avec lui, avec le consentement de ses parents, et partit vivre avec Dhavala dans son village.

Un jour, le frère de Madanasundari invita sa sœur et son beau-frère chez lui pour un festival. Chemin faisant, ils passèrent devant le temple de Durga Devi, la déesse toute puissante. Son frère voulait rendre visite à la déesse, et rentra dans le temple. Emporté par la ferveur, il voulut faire un sacrifice. Mais, il ne trouva rien pour faire ce rituel. Ainsi se coupa-t-il la tête pour l’offrir à Durga. Inquiète de ne pas le voir revenir, Madanasundari dépêcha son mari pour aller voir ce qui se passait.

En voyant l’état de son beau-frère, le mari fut profondément ému et jugea bon d’offrir sa propre tête à la déesse.

Après une longue attente, alarmée par leurs disparitions, Madanasundari décida de rentrer à son tour dans le temple. Elle fut horrifiée par la vue de son frère et de son mari gisant sur le sol, sans tête.  Consternée par cette tragédie, elle choisit de mettre fin elle aussi à ses jours. Mais avant de se donner la mort, elle demanda à la déesse d’avoir le même frère et le même mari dans sa prochaine vie. Émue par tant d’amour, Durga non seulement la persuada de ne pas commettre ce sacrifice, mais décida aussi de ressusciter les deux hommes. Transportée par la joie, Madanasundari se dépêcha de ramasser les têtes détachées des corps. Dans la précipitation, elle échangea les têtes de son frère et de son mari et… demeura perplexe.

Vêdālam marqua un temps d’arrêt et amarra la légère embarcation sur laquelle ils avaient traversé la rivière d’Ariyankuppam. Il ne comprenait toujours pas pourquoi les deux frères insistaient pour aller à Palakkad. Cette partie du Kerala n’avait aucun intérêt comparé aux villes côtières chargées d’histoire maritime. Sa curiosité ne faisait que grandir. Qu’il perde son pari ou qu’il le gagne n’avait plus d’importance à ses yeux. Cette expédition s’annonçait exaltante. Il en avait assez de tourner en rond dans Pondichéry. Il connaissait tous les cimetières et tous les terrains de crémation. Il lui fallait un peu d’aventure. Et ses deux nouveaux amis avaient l’air d’en avoir une belle.

Il leur fallait trouver maintenant une chelingue pour aller sur la côte Malabar. L’idée de prendre la mer l’excitait.


*


La mer était calme. Elle paraissait endormie. Des vagues paresseuses mouillaient le sable sans faire de bruit. Perché sur l’épaule d’Imahaka, Vêdālam balayait la plage du regard à la recherche de son ami.

— Que cherches-tu, Vêdālam ?

Ikotofetsy donnait des signes d’impatience.

— Je cherche mon ami le Macoua. C’est lui qui va nous emmener sur son bateau.

— Tu as dit quoi ? Makoa ? Vous avez des Makoas ici ?

­­— Ben quoi ? Bien sûr que nous avons des Macouas. Ce n’est pas Makoa, c’est Macoua que ça se dit d’abord ! C’est comme ça qu’on appelle la communauté des pêcheurs ici. Pourquoi vous êtes surpris ?

— Parce qu’ils sont aussi chez nous ! reprit Ikotofetsy.

— Comme ça se fait ?

— Importés par des marchands d’esclaves, au XVIIIe siècle, les Makoas aux origines Bantoues viennent du Mozambique.

— Laisse-moi te raconter ça, en attendant ton Macoua. Lui, ne connait rien ! De plus, tu es bigrement lourd.

Imahaka posa le Vêdālam sur un Kattumaram et se gratta la tête.

— Au fait, il n’y a rien à boire ici ? On m’a dit que Pondichéry était un paradis éthylique.

— Justement, mon autre ami Koravan peut nous trouver tout ce qu’il faut pour la traversée.

— D’accord, en attendant voici l’histoire de ce peuple. On dit que les Makuas ou Makhuwas sont d’origine Bantoue du centre de l’Afrique. Ils seraient venus s’installer aux alentours du sud de la Tanzanie et le nord du Mozambique dès le Xe siècle. Au début, traditionnellement consacrés à l’agriculture et à la chasse, ils se sont vite habitués à la vie côtière et sont devenus de très bons navigateurs. Habiles et prospères commerçants, ils contrôlaient les routes commerciales entre le lac Malawi et la côte atlantique, faisant des affaires florissantes avec les marchands swahilis et les Indiens du Gujarat bien avant l’ère coloniale. Leur destin bascule dans l’horreur lorsque les Portugais arrivent au Mozambique au début du XVIe siècle. Capturés à cause du manque de travailleurs dans les plantations tenues par les Français, ils furent envoyés dans les colonies insulaires voisines aux Comores, à la Réunion, à Madagascar, aux Seychelles, à l’Isle de France et d’autres encore. Plus tard, lorsque les Portugais débarquèrent en Inde, ils firent venir les Makoas à Goa pour les aider dans leurs expéditions militaires et pour les affaires domestiques. Par contre, je ne pourrais expliquer leur présence ici.

— Faudra que je demande au Korava. Il sait tout. Tenez, voilà mes deux amis.


*


— Je ne suis qu’un soldat indigène qui s’est engagé dans l’armée française pour échapper à la pauvreté.

Paulin torturait le verre qu’il tenait à la main. Le regard perçant d’Andry le mettait mal à l’aise. Il aurait tout donné pour ne pas être là à subir cette interrogation. Mais l’amour de Rasoa lui avait donné du courage pour aller demander sa main à cet homme réputé pour être bourru.

— J’étais dans le même cas que vous, jeune homme. Mais cela ne m’a pas empêché de quitter cette armée. Comment pourrais-je donner ma fille a quelqu’un qui fait partie d’un système qui tue mes frères et sœurs ?

— Mais, je…

— Oui je sais que vous n’étiez pas de ces hommes envoyés par la France pour réprimer l’insurrection. Il n’empêche que vous soyez la relève de ces fossoyeurs.

Un silence lourd s’installa dans le minuscule salon. Cachée derrière le rideau, Rasoazanany épiait les moindres gestes de son amoureux. Allait-il tenir tête ou partirait-il en acceptant le refus ?

— Je comprends votre amertume et votre ressentiment. Vous savez aussi bien que moi que l’indigénat est une notion complexe qui varie selon les colonies, même si nous avons une histoire commune qui est celle de la colonisation. La conscience politique contre les colonisateurs est une affaire personnelle ou collective selon les injustices subies par ces derniers. Or, ce système a cela de pervers qu’il empêche toute forme de solidarité en hiérarchisant les peuples colonisés. Je vous avoue que l’idée de me rendre coupable d’une complicité meurtrière coloniale ne m’a jamais effleurée. C’est en arrivant ici que je prends conscience de cette culpabilité.

Andry écoutait attentivement le jeune homme. Il donnait l’impression de mieux comprendre et d’adhérer à ses propos.

— Pour vous prouver ma bonne volonté, je suis prêt à ne pas poursuivre ma carrière si vous m’accordez la main de Rasoa. Je ferai le strict minimum de 15 ans et je rentrerai chez moi.

Le coup de sifflet strident du chef de gare retentit comme un cri funèbre. Les larmes aux yeux, la famille de Rasoazanany vit disparaitre à jamais le sourire de celle qu’elle appelait « Blanche Neige », à cause de son teint clair. Andry resta longtemps sur le quai désert d’Antsirabe. Sous son chapeau, son regard était rivé sur les rails maudits qui venaient d’emporter sa fille bien-aimée.


*


La fête battait son plein dans la chelingue. Le Koravan avait tout prévu. Du saarayam, du kallu, des suruttus, sauce de crevettes au tamarin, assad de poisson, émincé de roussette, mattikal perattal, rasam de crabes… tout y était. La traversée s’était transformée en un énorme banquet rabelaisien.

— Qui parmi les deux, est le mari de Madanasundari ?

Même éméché, Vêdālam n’avait pas oublié son pari.

— Tu nous emmerdes encore avec ces histoires, toi ?

Le Koravan lâcha une bouffée de fumée de son suruttu.

— Le corps qui porte la tête de son mari est son mari. La tête est la partie la plus importante du corps humain. Le reste du corps est identifié par la tête, s’exclama Imahaka.

Ikotofetsy n’avait pas l’air convaincu.

— C’est l’amour qui régit le monde. Or, le cœur se trouve dans le corps. Donc, c’est le corps du mari qui est important, dit-il.

— Tout ça est d’une époque révolue. À la place de Madanasundari, j’aurais abandonné ces deux idiots qui n’ont même pas eu la présence d’esprit de penser à elle, et me serais remarié avec quelqu’un de plus intelligent.

Le macoua fit un clin d’œil au Vêdālam.

— Que nenni ! À sa place, j’aurais choisi de vivre ma vie toute seule tranquillement sans m’embarrasser de ces superflus. Il serait temps de laisser à la femme faire sa vie comme elle l’entend.

Fier de sa réponse, le Koravan se contenta de jeter un regard arrogant à son entourage et alla s’asseoir au fond du bateau sans attendre l’approbation du Vêdālam.

— Mmmm, je crois que vous avez tous raison d’une façon ou d’une autre. Les réponses varient selon les époques et l’évolution des mœurs dans la société. Autrefois, je n’aurais pas accepté ces réponses, mais, voyez-vous, j’ai moi aussi changé avec le temps. D’ailleurs mes nouveaux amis, vous êtes les bienvenus sur mon arbre. Vous pouvez rester aussi longtemps que vous le souhaitez, dit-il en s’adressant à Imahaka et Ikotofetsy. Au fait, vous ne nous avez toujours pas dit le but de ce voyage.

— Il y a plus de 160 millions d’années, le super continent Gondwana a commencé à se désagréger et les continents d’Afrique, d’Australie, d’Amérique, d’Antarctique ont été séparés pendant des millions d’années. Madagascar et l’Inde sont restés attachés bien plus longtemps, faisant partie du carton de Darwar, la plus ancienne roche connue du sous-continent indien. Il y a environ 88 millions d’années, une explosion sous-marine majeure, le hotspot de Marion, qui s’est poursuivie pendant deux millions d’années, a séparé l’Inde et Madagascar, et la lave qui s’écoulait sans cesse a élargi le fossé pour devenir l’inde que nous connaissons aujourd’hui. Le fossé de Palakkad marque l’endroit où la plaque indienne s’est brisée.

Imahaka s’arrêta pour laisser Ikotofetsy poursuivre.

— En ces temps, Zanahary et Andriamanitra vivaient heureux sur cette terre. Et lorsque notre île s’est détachée de L’inde, ils furent séparés. Andriamanitra est à Madagascar, et on ne sait pas où se trouve Zanahary. Et depuis, elle s’est transformée en Paratilapia pour aller à la recherche de son époux. Il y a quelque temps, elle est apparue dans notre rêve et nous a dit que Zanahary était ici sous la forme du Karimeen.

À peine Ikotofetsy avait-il fini son histoire que Vêdālam éclata de rire.

— Vous auriez dû me raconter ça plus tôt, mes amis. Nous n’aurions pas fait ce voyage inutile. Quoiqu’il n’est pas vraiment inutile, il nous a permis de nous connaitre. Votre Karimeen-Zanahary n’est pas loin de là où j’habite. Il rôde aux alentours de la rivière d’Ariyankuppam. À présent, il s’appelle Alphonse sous la forme d’un poisson volant mystique.

— Que veux-tu dire ? demandèrent en chœur les deux frères.

— Zanahary n’est plus dieu, il est devenu âme. L’âme universelle qui est le produit de la métempsychose des millions de saints, de soufis et de siddhas qui vivent dans le monde. Il ne peut plus appartenir à une seule personne. Il appartient désormais à l’univers.


*


— Alors, il est où ce satané agneau ?

Suspendue à une liane du banyan, Mohini se balançait allègrement en feignant la colère.

— Laisse tomber ! Si on mange cet agneau débile, c’est nous qui risquons de devenir fous.

Vêdālam essayait d’amadouer tant bien que mal sa bien-aimée.

— Quand m’épouseras-tu chellam ?

— L’agneau d’abord !

— Chut !!! J’entends du bruit, on a de la visite. Reste là, je vais aller voir.

Grande fut sa surprise lorsqu’il vit Imahaka et Ikotofetsy. Cela faisait longtemps qu’il ne les avait vus. Après leur aventure, les deux frères avaient décidé de partir avec le Koravan à la découverte du pays. Vêdālam fut étonné de les voir dans le cimetière de Muthialpeth à une heure si tardive.

— Que faites-vous là, les amis ? Que devenez-vous ? demanda-t-il.

— Nous avons décidé de rentrer chez nous, répondit tristement Imahaka.

— Mais pourquoi ? Vous ne vous plaisez pas ici ?

— La personne avec qui nous sommes venus ici nous a quittés… répondirent en chœur Imahaka et Ikotofetsy en étouffant leurs sanglots.

Séparation

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Inde
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