top of page

Avant-propos

Pour Romain Gary, « le patriotisme, c’est l’amour des siens ; le nationalisme, c’est la haine des autres. » La tournure est séduisante, et elle m’a longtemps convaincu ; mais est-ce aussi simple ? On peut aimer les siens et haïr les autres, du moins les considérer comme des ennemis à abattre, justement par amour des siens et souci de les protéger. C’est tout l’enjeu d’une série telle que Walking Dead, où les rares survivants de « La Chute » s’entretuent avec un acharnement dont on ne peut dire – toute nation et toute patrie ayant été anéanties – s’il relève de l’amour des siens ou de la haine des autres, du patriotisme ou du nationalisme.


La guerre entre la Russie et l’Ukraine – ou plus précisément la guerre imposée à l’Ukraine par la Russie – porte à son paroxysme une question qui est la source des pires errements de notre civilisation depuis la fin du dix-neuvième siècle. Elle s’est déclarée après que le thème de ce numéro de Marginales a été décidé ; pas étonnant, toutefois, qu’elle soit présente dans plusieurs textes, selon des angles très différents.

Et c’est bien l’enjeu de notre approche : utiliser la fiction pour dire le monde. Le dire avec plus de nuances et de finesse qu’une analyse journalistique ou politique. Inscrire les drames du monde dans le quotidien des gens, les drames individuels dans le quotidien du monde. Sartre disait qu’une des forces du style de Camus était de juxtaposer les choses sans les opposer ni les hiérarchiser ; une bombe éclate sur un centre commercial ET des enfants jouent dans la rue voisine. La réalité est une mosaïque abstraite conçue par le hasard, à laquelle nous cherchons désespérément un sens.

Pour ce premier numéro de Marginales « troisième saison », nous avons voulu relever plusieurs défis : celui du numérique, celui de la francophonie, celui de l’ouverture à d’autres modes d’expression artistique. Contrat rempli : plus de trente nouvelles venues d’Amérique du Nord, d’Afrique, d’Océanie, d’Europe ; des contributions graphiques, et même des varias, dont un roman inédit d’Alain Berenboom, qui paraîtra en épisodes sur Marginales. Et le partenariat avec Le Soir qui nous ouvre un public large et curieux, en renouant le lien naturel entre la nouvelle (littéraire) et la presse.


Chacun des textes apportent un éclairage différent sur le nationalisme ; il en est même pour rappeler qu’il y a des nationalismes sereins et généreux, inclusifs (pour utiliser un mot à la mode). Certains s’ancrent dans le réel, d’autres flirtent avec la poésie, la fable, la science-fiction ; c’est que, si le nationalisme blesse tout le monde, il est mille manières de le dénoncer et de le révéler.


Le site est tout neuf ; n’hésitez pas à nous faire part de vos remarques, afin que nous puissions l’améliorer…

Avant-propos

?
Belgique
bottom of page